La peintre baroque italienne Artemisia Gentileschi, qui a vecu au XVIIe siecle, nous a legue une ouvre insolite, dans laquelle elle depeint a plusieurs reprises des actes de vengeance commis par des femmes pour les souffrances endurees. Par consequent, ses ouvres ne se concentraient pas sur la beaute et la delicatesse, themes habituellement consideres comme «feminins».
Audacieuse, Artemisia a cree des peintures qui expriment explicitement la violence et la colere. Un detail moins connu est que ce theme a ete inspire par sa propre histoire.
L’artiste a ete violee a l’age de 18 ans par son professeur. Apres avoir ete arretee et jugee, son agresseur a ete libere et Artemisia a passe toute sa carriere a canaliser sa frustration et son angoisse dans l’art.
L’histoire d’Artemisia Gentileschi
Artemisia Gentileschi est nee a Rome le 8 juillet 1593 et a appris l’art de son pere. Nee dans l’environnement prolifique de l’Italie, la jeune fille a grandi en regardant l’ouvre dramatique du maitre baroque Caravaggio, qui etait ami avec son pere et qui lui a meme donne des conseils sur ses propres ouvres.
Son pere a engage un artiste nomme Agostino Tassi pour donner des cours a sa fille, mais il n’aurait jamais imagine qu’un jour le peintre violerait l’adolescente, causant a Artemisia un traumatisme insurmontable.
Lors du proces du violeur, qui dura sept mois (en 1612), la jeune femme declara:
« Il m’a alors jete sur le bord du lit, en me poussant avec sa main sur ma poitrine, et a mis un genou entre mes cuisses pour m’empecher de les refermer. En soulevant mes vetements, il a mis sa main avec un mouchoir sur ma bouche pour que je ne crie pas. »
Artemisia a reagi au viol en lancant un couteau sur l’agresseur, qui a reussi a l’eviter. Pourtant, lors du proces, la jeune femme a de nouveau ete humiliee et traitee de « prostituee insatiable ». Le pape Innocent X est intervenu en faveur de l’artiste, qui a ainsi ete relaxe.
Artemisia Gentileschi et l’ouvre nee sous le signe de la colere
Avec la liberation de son violeur, Artemisia Gentileschi a trouve un autre moyen de se venger : elle a consacre le reste de sa carriere a peindre des femmes luttant contre les violences qu’elles subissaient.
L’une des grandes peintures d’Artemis a ete generee par l’etude de l’histoire biblique de Judith et Holopherne, qui raconte le cas d’une veuve qui se faufile dans la tente d’Holopherne, un general de l’empereur assyro-babylonien Nabuchodonosor. Apres l’avoir saoule, Judith decapite Holopherne pour liberer son peuple.
L’histoire est bien connue et a engendre plusieurs versions artistiques, telles que des peintures du Caravage et de Goya. L’ouvre d’Artemisia Gentileschi, la plus explicite possible, date de 1620.
Artemisia Gentileschi a cree un portrait violent et sanglant, different des visions des autres peintres. Contrairement a l’ouvre de Caravaggio, dans le visage d’Artemis Judith, il n’y a aucun signe d’hesitation. Au contraire, elle semble calme et determinee.
Dans une autre ouvre bien connue intitulee « Suzana et les vieillards », Artemisia met l’accent sur l’angoisse d’une jeune femme suivie par deux vieillards. Elle aborde une autre histoire biblique, egalement representee par d’autres artistes, qui, contrairement au peintre, ont montre une Suzana coquette et meme suggestive.
Dans le tableau d’Artemisia, la femme est clairement horrifiee par le harcelement des hommes.
La revanche par l’art
Tout au long de sa carriere, Artemisia Gentileschi a continue a depeindre des femmes assassines. Elle a decrit Jaela, une femme qui a tue Sisera pour liberer Israel, et Lucretia, qui s’est suicidee apres avoir ete violee.
L’artiste a egalement peint Cleopatre, Marie-Madeleine et la Vierge Marie et realise plusieurs autoportraits.
Au XVIIe siecle, Artemisia etait consideree comme l’artiste la plus celebre de toute l’Europe. En 1616, elle est invitee a l’Accademia del Disegno, l’association d’artistes la plus prestigieuse de Florence. Elle a ete la premiere femme a etre fiere d’un tel exploit.
Puis, par l’art, Artemisia Gentileschi a obtenu pouvoir et autonomie sur sa propre histoire, se revoltant contre le triste sort qu’elle avait connu.