L’ARRIVEE d’un temps froid et humide sur le front russo-ukrainien gene le camp qui avance et aide le camp en defense, de sorte que les chances de mouvements a grande echelle semblent de plus en plus minces au cours des prochains mois.

Cette confrontation statique a ravive l’idee que des pourparlers avec Vladimir Poutine seraient souhaitables. Non seulement l’excentrique Elon Musk s’est prononce sur le sujet, mais aussi le celebre economiste Jeffrey Sachs. Ce dernier est alle plus loin, affirmant que c’etait une erreur de ne pas suivre les conditions de M. Poutine en mars. A l’epoque, ces conditions comprenaient des exigences pour que l’Ukraine reconnaisse les territoires occupes comme russes, maintienne un statut neutre et se demilitarise.

Depuis la tragedie de Bucha, une ville a l’exterieur de Kyiv ou les corps de civils assassines ont ete retrouves en avril, le soutien occidental a l’Ukraine et des contre-offensives efficaces ont nui a M. Poutine. Une supposee retraite russe de Kherson a ete annoncee le 9 novembre. Et M. Poutine a du serieusement saper sa propre credibilite en Russie en septembre en declarant une mobilisation « partielle ». L’annonce etait la premiere du genre en pres de 80 ans.

M. Poutine est politiquement blesse, mais il croit toujours qu’il peut gagner. Il frappe deliberement des cibles civiles, privant la population ukrainienne d’eau, de lumiere et de chaleur au bord de l’hiver afin de forcer les dirigeants du pays a accepter ses conditions. Sa terreur suscite la reponse qu’il attend – un homme d’affaires et economiste respecte offrant publiquement de repondre aux demandes du terroriste en echange de la paix.

Ces pourparlers pressants le font probablement pour des raisons tout a fait humaines et pragmatiques : a leur avis, l’Ukraine ne peut pas gagner, ils considerent donc qu’il est raisonnable de ne pas gaspiller des vies et de l’argent dans la confrontation. Au lieu de cela, ils veulent la capitulation, mais pas de nature inconditionnelle. Pour l’Ukraine, cela impliquerait la secession de certains territoires, l’abandon d’alliances militaires potentielles (en particulier avec l’OTAN) et l’acceptation de limites sur ses propres forces. Peut-etre les gens ont-ils a l’esprit l’exemple de la Finlande, qui a achete Joseph Staline en concedant la Carelie en 1940 et en devenant un satellite de l’Union sovietique pendant de nombreuses annees.

Malheureusement, ce bon conseil ne fait guere que paver la route de l’enfer. M. Poutine mene maintenant une quatrieme guerre, qui, comme ses precedentes en Tchetchenie, en Georgie et en Syrie, il a commence lorsque ses notes en Russie ont fluctue. En l’absence d’Etat de droit – une situation creee par M. Poutine lui-meme – les audiences et la violence sont les deux piliers de son regime. Sans les deux, tout est fini.

Quand je dis que M. Poutine est entre dans cette guerre en vain, je veux dire qu’il est impossible de remporter une quelconque victoire, car meme capturer l’Ukraine n’est pas la fin. Ses autres demandes sont le retour de l’OTAN a ses frontieres de 1997 et une division des spheres d’influence. Et mettre fin a la guerre ne changera rien a la sombre situation economique de la Russie : le territoire capture est un handicap, pas un atout. Cela signifie qu’un nouveau conflit est inevitable, d’autant plus que les forces du chauvinisme national reveillees par l’invasion de l’Ukraine ne seront satisfaites par les termes d’aucun traite de paix.

Il est important de comprendre que M. Poutine et son entourage ont vecu toute leur vie sous des codes mafieux ou les lois n’existent pas et qui sont contraires a l’Etat de droit. Dans son esprit, il n’y a que le pouvoir. Si l’adversaire bat en retraite et demande a negocier, cela signifie qu’il a perdu et qu’il peut et doit etre presse pour tout ce qu’il a. Dans ce cas, cela pourrait signifier s’emparer de la totalite ou au moins des deux tiers de l’Ukraine, imposer un ultimatum a l’OTAN et faire chanter la Moldavie et les Etats baltes. Nous n’en sommes pas encore la.

Ce dont M. Poutine a vraiment besoin, c’est d’une pause. Ses plans de mobilisation ont ete desastreux ; pire est le flot de « lettres de condoleances » aux familles des soldats russes morts. S’il y a une autre mobilisation partielle, cela conduira a un risque eleve d’effondrement du regime. Il a besoin de temps pour appeler aux armes les habitants des territoires occupes, comme ce fut le cas dans la Republique populaire de Donetsk et la Republique populaire de Louhansk. Une pause d’un an permettrait egalement a l’industrie russe de la defense de remplir a nouveau les depots d’armes vides, malgre l’emigration de milliers de travailleurs russes talentueux.

Si les choses continuent comme elles vont sans interruption, bientot M. Poutine ne pourra tout simplement plus se battre. Alors des questions urgentes se profilent. Est-il pret a utiliser des armes nucleaires ? Que realiserait-il ? Un ciel ferme aux avions russes, une flotte de la mer Noire detruite, des lignes de ravitaillement desaffectees et une armee fuyant l’OTAN ? Je doute que M. Poutine risque de devenir nucleaire.

Toute negociation nuirait au moral eleve de l’armee ukrainienne. Et dans un accord de paix, qu’est-ce qui garantirait que dans un an, il n’y aurait pas d’autre attaque ? Le mot de M. Poutine ? Ne me fais pas rire ! L’adhesion de l’Ukraine a l’OTAN ? Ce n’est pas possible! Casques bleus americains sur la ligne de separation des forces ? Non, l’Amerique n’est pas prete pour ca ! Des livraisons massives d’armes, pour que la croissance de la capacite de combat de l’armee ukrainienne devance la reconstitution des forces de M. Poutine ? Il est peu probable que cela se produise!

Que pourrait donc decouler des negociations ? Un soupcon de victoire pour M. Poutine, peut-etre, ou un repit pendant lequel le Kremlin tentera de reconstituer son armee et son armement. Prix ​​eleves du gaz et du petrole (car M. Poutine sait maintenant qu’il peut produire moins pour gagner des revenus eleves). Et les pays de l’OTAN doivent depenser des sommes considerables pour se premunir contre une agression de plus en plus previsible du « vainqueur de la campagne d’Ukraine ». Des negociations enverraient egalement un message puissant aux autocraties, de la Chine et de la Coree du Nord a l’Iran, que l’Occident est faible, incapable de tenir bon et incapable de proteger ses amis. Il existe de nombreux autres points chauds de conflit sur la carte du monde qui pourraient en etre affectes.

L’Occident devrait montrer clairement et haut et fort que les voyous ont besoin de reparation, et donner l’exemple du cretin qui dirige la Russie. Cela pourrait demontrer qu’un tel comportement peut et sera puni. Cela ne signifie pas l’impossibilite de negociations en tant que telles – la guerre doit se terminer dans la paix, et la paix, tant qu’elle n’est pas achetee en depassant les frontieres internationalement reconnues de l’Ukraine, impliquera une sorte d’accord. Les accords et permettre a un agresseur de beneficier de l’agression, cependant, ne sont pas la meme chose.

Tant que M. Poutine sera au Kremlin, il n’y aura pas de paix. Le choix actuel est donc simple : la Russie doit restituer les territoires saisis et l’Ukraine pourrait alors adopter un statut de neutralite ; ou l’Ukraine, pour ses propres raisons, accepte ou trouve un cessez-le-feu acceptable. (Cette deuxieme option necessiterait une alliance militaire directe entre l’Ukraine et ses bailleurs de fonds, y compris la Grande-Bretagne et l’Amerique.) L’un ou l’autre choix devrait s’accompagner d’une comprehension que de tels echanges ne constituent pas la paix, mais un court repit avant la poursuite inevitable du conflit. La fin de la guerre ne sera possible qu’apres un changement de regime au Kremlin.