Il y a une scene dans le film Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr. ou Holmes analyse Mary Morstan, la future future de Watson, au diner. Meme s’il hesite au debut, il cede apres que Marie «insiste».

Holmes en deduit des details plutot genants sur Mary qui lui font jeter un verre sur le visage. Meme si Holmes a dit la verite, cela a « blesse » les sentiments de Mary.

Deux orientations ethiques fondamentales guident le comportement humain : l’ethique deontologique et l’ethique consequentialiste.

L’ethique deontologique est une vision absolutiste des normes ethiques. La regle est definitive. Il dicte tout. Il n’y a pas d’exceptions. Par exemple, il n’est jamais correct de mentir, quelles que soient les circonstances.

L’ethique consequentialiste, quant a elle, evalue les actions en fonction des consequences. Par exemple, il est parfois acceptable de mentir pour epargner les sentiments de quelqu’un.

Les humains fonctionnent sous les deux systemes. Si votre femme vous demande si elle a l’air en surpoids, vous direz « non » sans broncher, quoi que vous en pensiez reellement . D’un autre cote, nous considerons tous qu’il est moralement reprehensible (en toutes circonstances) de faire des avances sexuelles a des enfants.

Il n’y a cependant pas de regles claires sur quand operer sous quel systeme. Ce flou cree un dilemme interessant.

Supposons qu’une professeure d’une universite indienne reputee annonce qu’elle veut etudier la relation entre la religion et l’intelligence. Supposons qu’elle decide de voir comment le fait d’etre hindou, musulman, chretien ou sikh en Inde affecte notre intelligence, seriez-vous capable de garder un visage impassible?

Prenons un exemple un peu plus extreme : si un politicien critique une religion, disons l’islam, et son influence grandissante en Inde, n’y a-t-il pas de fortes chances que vous le traitiez d’islamophobe?

Mais si vous y reflechissez, les gens devraient avoir le droit de critiquer une religion dans une societe libre. Ils devraient avoir le droit de le faire, et bien sur leurs critiques sont elles-memes critiquables. N’est-ce pas la l’essence meme de la liberte d’expression et de pensee?

En 2010, Geert Wilders, un parlementaire neerlandais, a ete accuse d’une serie de crimes pour avoir critique l’islam et son influence aux Pays-Bas. Lorsque M. Wilders a cherche a faire appel a des temoins experts pour montrer que ses preoccupations n’etaient pas sans fondement, la reponse du bureau du procureur a ete : « Il n’est pas pertinent que les temoins de Wilders puissent prouver que les observations de Wilders sont correctes. Ce qui est pertinent, c’est que ses observations sont illegales.

En 2018, le sociologue britannique Noah Carl a fait l’objet d’une enquete et a ensuite ete demis de ses fonctions de chercheur Toby Jackman Newton Trust au St Edmund’s College de Cambridge apres que plus de 500 universitaires ont signe une lettre refusant d’accepter ses recherches sur la race et l’intelligence.

Une vision deontologique affirme qu’il n’est jamais justifie de supprimer la verite. Une perspective consequentialiste affirme que la verite doit parfois etre modifiee, truquee ou supprimee pour eviter de mauvaises consequences.

Une perspective consequentialiste vous oblige a etre « politiquement correct », ce qui est important dans de nombreuses circonstances, mais constitue un probleme fondamental lorsqu’il s’agit de rechercher la verite.

Toute entreprise humaine ancree dans la recherche de la verite doit s’appuyer sur des faits et non sur des sentiments.

Les poursuites judiciaires en sont un bon exemple. Nous n’etablissons pas l’innocence ou la culpabilite des accuses en utilisant des sentiments, n’est-ce pas? Au lieu de cela, nous nous appuyons sur un large eventail de faits disponibles pour plaider notre cause. Le seuil d’etablissement de la culpabilite est volontairement eleve : les preuves cumulatives doivent etre hors de tout doute raisonnable pour condamner quelqu’un.

Il est important de se preoccuper des sentiments, surtout lorsqu’il s’agit de partager la verite, mais cette preoccupation ne doit jamais nous empecher de trouver la verite!

Par exemple, si le sexe ou la race affecte vraiment l’intelligence, il est naturel de s’inquieter des consequences negatives a long terme si cette information est partagee publiquement, mais cette preoccupation ne devrait pas empecher quelqu’un de rechercher la reponse.

Sinon c’est une pente glissante. Si nous interdisons aujourd’hui a quelqu’un d’etudier la relation entre le genre et l’intelligence parce que nous avons peur des « sentiments publics », demain nous pourrions lui interdire d’etudier la relation entre le manque d’education et le fanatisme religieux, ou l’authenticite de la chiromancie, ou l’efficacite de gau mutra (urine de vache). Bientot, tout ce qui nous interessera, c’est le sentiment public (ce qui se traduit en gros par : assurez-vous que les gens nous aiment) et que nous ayons une idee de ce qu’est vraiment la verite.

Bien que cela aurait pu etre bien si Holmes avait sauve Mary de la verite et ne l’avait pas blessee, ce ne serait pas bien s’il n’avait pas attrape un criminel parce que cela blesserait les sentiments de quelqu’un. Le surnom du detective bengali Byomkesh Bakshi (cree par l’ecrivain Sharadindu Bandyopadhyay) est Satyanweshi ou le poursuivant de la verite, et ce n’est pas sans raison. C’est leur travail; leur seul travail.

La recherche de la verite doit toujours etre deontologique. Il n’y a pas de place pour les exceptions, les sentiments, le sentiment public ou le politiquement correct dans la quete de la verite.

Les sentiments sont lies aux humains; la verite est liee a l’univers. L’univers ne se soucie pas des humains. La verite ignore les sentiments.